Premiers tours de roue direction Québec.

Quitter Montréal sous une pluie battante un dimanche aprèm, rester bloquée dans le trafic pendant deux bonnes heures pour cause de travaux, et au final arriver à Québec quatre heures après l’heure prévue, ça me rappelle étrangement un départ en Ecosse et une bonne galère sur l’autoroute aux alentours de Londres. Sauf que cette fois-ci, pas de Stonehenge à 7h du mat’, mais un canapé confortable à Québec chez Sonia, qui m’a laissé la porte ouverte et a confié l’accueil au chat.  

Visite rapido de la ville le lendemain. Québec, ça monte. Et ça descend.

Historiquement, la ville a de quoi plaire. Belle assemblée nationale…

Et surtout, un jardin durable et original sur ses pelouses ! Certaines herbes aromatiques servent pour le restau de l’assemblée.

Je continue ma promenade et tombe sur… Sérieux ? Une manif ? Au Québec ? Il n’en fallait pas plus pour réveiller le neurone du pavé. Je rejoins les manifestants et fais un bout de chemin avec eux en leur demandant de m’expliquer leurs revendications. Austérité, suppression de postes dans l’éducation, comme d’hab. Autre pays, même merde. La manif se dissout rapidement dans le calme, ça manque un peu de fumi à mon goût tout ça !

Je continue ma promenade du côté des fortifications et tombe sur un chemin de ronde qui monte qui monte qui monte… le tout, entouré d’arbres. Petite pause agréable en plein milieu de la ville.

Belle vue sur le port de Québec après quelques 300 marches de grimpette !

Je retourne en ville et mon gosier décide qu’il est temps de s’hydrater à la Ninkasi. Des punks sans chien grattent la guitare sur un banc à côté du bar, je finis par les rejoindre pour papoter, ce qui se transforme rapidement en jam à deux guitares et deux cuillères. Le mec aux cuillères m’a soutenu qu’il était mieux accordé que ma gratte, je veux bien le croire.

Surprise sympa de couchsurfing, et pour fêter ma première nuit en tant que couchsurfeuse officielle après des années d’accueil de voyageurs chez moi, de squat à l’arrache, d’abus divers et avariés chez les autres, Sonia m’embarque boire un coup et jouer au pub-quizz, de nouveau à la Ninkasi. Flairant le traquenard éthylique, je laisse l’appareil photo chez elle, et putain que j’ai bien fait ! De bistro en bistro et de pintes en shots, je vous épargne les détails de la fin de soirée.

Toujours est-il que quand j’ai ouvert un oeil le lendemain avec un sérieux mal de crâne, j’ai trouvé ma casserole dans son frigo avec un reste de pastas aux légumes. Il semblerait donc que même en état de bourritude avancé, j’aie réussi à retourner au van depuis je sais pas où, l’ouvrir (!), choper une casserole et de la bouffe (!!), et monter cuisiner chez elle (!!!). Aucun souvenir. Ca commence bien.

Un arrêt au stand (ou plutôt au dépanneur où travaille Sonia) plus tard, le temps de faire le plein de glaçons, de clopes et de foutage de gueule parce que calisse les français qu’ça tient pas l’alcool ces bêtes là, je repars sur la route.



Aménagement du van.

Ne croyez pas que je me la suis coulée douce pendant ces deux semaines sans news. J’étais simplement en quête d’un carrosse pour accomplir mon destin de princesse punk; conquérir le monde. 

Acheter un véhicule d’occasion pour pas trop cher, au Québec, c’est pas compliqué. L’offre est exhaustive, et si on n’y trouve pas son bonheur, c’est qu’on cherche pas au bon endroit. Par contre, faut voir l’état des tacots… La neige, le froid, le sel et les routes dans un état pitoyable ont vite fait de flinguer assez rapidement la carrosserie, et on ne parlera pas du reste. Il m’a suffi de trois jours pour dégoter un Astro, et une semaine de poireautage en attendant que le proprio se décide à le passer à l’inspection. Echec et mat, le bestiau est rouillé comme c’est pas permis, la structure porteuse est bouffée au dernier degré (comme quoi, même en se glissant dessous au premier rendez-vous, on est pas au courant de tout). La recherche reprend, et la même journée, j’en trouve un deuxième à 50km de Montréal, inspecté le lendemain, acheté le surlendemain, plaqué et assuré le troisième jour. Ca, c’est fait.


C’est pas tout de ramener la bête à Montréal en pleine heure de pointe quand on conduit une voiture à boîte auto pour la première fois (n’empêche que les congestions, ici, sont bien plus light que le périph’ parisien à la même heure, je dis ça je dis rien), il faut maintenant que je l’aménage en camper van. De l’avis général, glané ces derniers mois, le strict minimum sera le mieux. C’est pas faute d’avoir écumé les blogs, sites et forums de conversion de van en Amérique du nord depuis bientôt six mois, mais l’inspiration me manque. Tous les modèles que j’ai vus me paraissent bien, maiiiiiiis… Y’a toujours un truc qui me déplaît. La hauteur de la structure portante du lit, l’emplacement des étagères, tout ça tout ça…

J’ai donc décidé de créer mon propre aménagement à partir du van vide, sans plan, sans mesure préalable, avec un budget minimum, et heureusement quelques outils gentiment prêtés par Antoine qui m’héberge à Montréal. Son coloc a repéré du bois dans la rue, auquel est venue s’ajouter une grande planche qui n’était pas utilisée par les autres colocs pour leur puzzle géant (remarquez la continuité des évènements avec ma dernière visite en février, pour ceux qui auraient suivi).


Voilà, le van est chargé, en route pour sa prochaine mission; aller s’isoler à la campagne à 1h30 de Montréal, sans connexion internet (et donc sans plan accessible en cas de besoin), à quelques kilomètres d’un tout petit bled pourvu d’une quincaillerie, dont les employés sont rapidement devenus mes meilleurs copains le temps de quelques jours.

Vous me connaissez, je suis loin d’être habile de mes dix doigts, et les travaux manuels, jusqu’à présent c’était pas mon fort. N’empêche qu’il a suffi de commencer pour voir qu’absolument tout est faisable. Comme quoi, y’a pas d’excuse quand on a une scie, une perceuse et des vis à disposition.

Première réalisation; la structure principale, composée du lit et du coffre arrière destiné à contenir la bouffe et les ustensiles de cuisine. Le coffre s’ouvrant à moitié sous forme d’auvent et à moitié sur les côtés, c’est l’endroit idéal pour cuisiner en plein air, à une hauteur respectable en étant debout. Rendons à Kafka ce qui appartient à Kafka; sa relou-mobile est aménagée de la même façon, et ça fonctionne très bien.


Oui, je sais, vous vous indignez derrière votre écran. Comment ça, un lit avec une seule place, 90 cm et pas plus large ? Bah oui, j’ai joué ma carte égoïste, le plumard est conçu pour moi et rien que pour moi, comme la plupart des aménagements dans ce van; les grands/gros seront très emmerdés. Mais c’est pas mon problème. Ca risque de le devenir en cas de ramenage de galante compagnie, mais comme Kafka l’a si bien dit en parlant de la largeur du plumard dans sa Kangoo: « Faut être très amoureux si on veut dormir à deux là-dedans ». Je fais confiance aux phéromones pour se charger de la job (ou me laisser profiter d’une troisième éternité de célibat, au choix).

Vous aurez certainement remarqué la hauteur certaine de la structure; elle est calculée pour pouvoir ranger pas mal de bordel en dessous, tout en me laissant la possibilité de tenir assise dessus. Sans compter la hauteur de ma crête. Bah oui, faut faire des sacrifices dans la vie. D’ailleurs cette foutue crête est en train de mourir indignement, mais ça, on s’en fout.


Deuxième construction; une petite tablette avec une extension dépliable, fixée à la structure du lit une fois celle-ci chargée dans le van. Je n’ai pas eu le choix de la visser aussi au revêtement en moquette du van, même si j’aurais préféré éviter de faire des trous là-dedans. On dira qu’on a rien vu. C’est fou comment on prend la confiance quand on a une perceuse dans les mains.


Une fois tout ce bazar fixé, j’ai fixé des planches à la structure de base, prévue pour s’ouvrir par le haut comme des coffres. Accès facile pour bordel non organisé là-dessous.


Ces planches étant prévues pour être recouvertes de trois pièces de mousse (hé ça va hein, je vais pas dormir direct sur le bois non plus), je les ai percées pour faire un peu d’aération. Astuce trouvée sur le blog de Joe qui a aménagé un véhicule du même modèle. Joe, thanks a lot for your detailled articles about the conversion, your blog is a goldmine !


Troisième et (j’espère) dernière construction: une petite étagère, elle aussi reliée au lit par le bas, pour, devinez… entasser du bordel. Et ouais. Bon, comme je venais de me taper trois jours non stop de construction, je me suis quand même fait un truc cool avec une porte qui ferme. Dans du bois de merde. Direct à la vue de tout le monde dès que la portière latérale est ouverte. C’est super malin, je sais, aucun commentaire ne sera toléré à ce sujet. On va dire que c’est pour stocker les recharges de propane à l’abri des étincelles.


Je suis quand même assez contente de mon petit bazar (pas droit, pas mesuré, on continue sur la bonne lancée). Ca dépasse en bas, je sais, c’est fait exprès pour la raccorder à la structure du lit une fois installée dans le van. Quelques crochets pour ajouter encore des merdouilles qui se balancent en faisant du boucan à chaque virage, et le tour est joué !


Et puis, le sujet qui fâche (traduisez: le seul point où je ne peux pas me permettre d’y aller à l’arrache), l’isolation. Qui a le tapis de cul le plus isolant dans les catas ? Tonton Styx. Et c’est quoi son tapis de cul ? Du Bultex. Traduisez par Reflectix, en version nord-américaine. C’est parti pour une calfeutration (pas spécialement) minutieuse des vitres arrières, et un rajout de rideau noir entre la cabine avant et le coffre. Comble du bonheur, il en restait assez pour tailler deux tapis de cul pour les longues soirées au coin du feu.


La bête est enfin meublée et sommairement isolée, il ne manquait plus que le remplissage; matos de cuisine et contenants divers pour compartimenter tout ce que je vais entasser là-dessous, histoire de faire un bazar organisé. Un petit tour à Dollarama (formidable fourre-tout de quantités de petits trucs à 1$), et le problème est réglé.


Le matelas, ce sera pour plus tard, pour les deux premières semaines le tapis de sol fera largement l’affaire. On dira ce qu’on voudra, mais à défaut d’être super bien foutu, j’ai tout fait toute seule, et c’est plutôt plaisant d’utiliser le résultat de son travail tous les jours. Pour une fois, j’ai l’impression d’avoir vraiment bossé, et pas juste déplacé des dizaines de milliers de pixels, d’octets ou d’autres machineries virtuelles.

Bien entendu, qui dit campagne dit aussi profitage entre copains et copines. Le Mölkky (prononcez meule-cul, c’est bien plus distingué) était de la partie, et a été rapidement adopté par l’assemblée.


Et, traditionnellement avec Antoine, la pêche. Promenade en barque au programme. J’ai attrapé mon premier brochet. Contente la Boulette !


C’est pas tout ça, mais j’étais partie pour deux jours, et me voilà à squatter une semaine entière dans les cantons de l’Est. N’empêche que ça fait du bien de sortir de la fourmilière urbaine pour pouvoir bosser tranquille, déconnecter internet, prendre le temps de lire un bouquin en entier, profiter du soleil… et mettre de la sciure partout. Retour fatal à Montréal après une semaine au vert, 20 minutes pour trouver où parquer mon char gratos sans me le faire embarquer pendant la nuit, et prévoir de repartir au garage pour divers machins fâcheux (un ABS flemmard, une courroie qui siffle, une guirlande de voyants oranges allumés, on est plus à çà près) avant le grand départ.

A bientôt pour de nouvelles aventures en noir et blanc !


Montréal by night.

Ca faisait un paquet d’années que je n’étais pas partie en promenade nocturne dans le seul but de prendre des photos inutiles, voire de ne pas en prendre du tout. Par paquet d’années, il faut comprendre mon arrivée à Paris. La grande ville, quand on déboule de la campagne profonde, ça fascine; toutes ces lumières, ces couleurs, cette vie grouillante qui donne l’impression de ne jamais se reposer, tout était nouveau pour moi. 

J’ai traîné mes basques de nombreuses nuits dans des quartiers aussi différents que bigarés à Paris: la Défense (avec ses bandes de cailleras qui déboulent en troupeaux dès la nuit tombée), Belleville et Ménilmontant qui ne dorment jamais, les alentours des gares avec leurs défilés incessants de taxis et leurs enseignes visuelles qui se reflètent à qui veut les voir dans les flaques d’eau… Et puis, je me suis lassée. Paris n’était plus un terrain de jeu et de découvertes pour mon appareil photo, mais ma résidence principale. Les rues encombrées ne m’amusaient plus du tout quand elles me servaient juste à aller d’un point A à un point B, les immensités vides et glacées des constructions architecturales anonymes ne m’inspiraient plus du tout pour composer quelque chose d’intéressant. J’ai laissé tomber les promenades nocturnes photo, beaucoup trop vite à mon goût, pour les transformer en trajets utilitaires, point A/point B, la plupart du temps complètement bourrée à partir d’une certaine heure, avec pour seul objectif de rejoindre mon plumard vivante sans perdre la moitié de mes affaires en route.

Et, hier soir, sur un coup de flemme des colocs, je prends le sac photo et pars en balade sans but précis. Ce qui ne m’était pas arrivé depuis des années m’a alors titillée; déclencher au gré de la non-inspiration, sans but précis, sans obligation de rendu, sans deadline ni brief. Putain que j’étais rouillée !


Je dois avouer que la ville n’est pas forcément le terrain où je suis le plus à l’aise en photographie. Le portrait, c’est une autre paire de manches, mais ça te contrôle plutôt bien un sujet. Ici, rien. Un échange de coups d’oeil, de sourire, quelques petites feintes pour rassurer sa « proie », et surtout, une bonne dose de rapidité et de discrétion. Chose totalement inimaginable avec mon énorme Nikon, qui est bien gentiment resté au fond du sac (comme d’hab).


Déclencher à main levée, au 1/30 voire au 1/15, n’a visiblement posé aucun problème à mon p’tit compact. J’ai même étonnée de la propreté de son rendu à 1600 iso, en dehors de sa gestion catastrophique du flare, et ce malgré son petit pare-soleil. D’accord, j’arrête de cracher sur les compacts à partir de maintenant. Rendons à Julien et Jean Louis, mes anciens collègues de boulot, ce qui leur appartient: ce sont eux qui m’ont convertie à Fuji, après mon premier passage à Montréal cet hiver et un rentrage bredouille au niveau des photos de rue. Le Nikon était, cette fois aussi, resté au fin fond du sac, et utilisé seulement pour filmer en intérieur. Je me suis rendu compte, avec le temps, que cet outil de travail imposant n’est absolument pas adapté au « reportage » aléatoire en pleine rue. Massif, bruyant et estampillé « connasse de pro qui vous paparazzite le portrait », il impressionne et attire les regards noirs des passants, malgré ses tous petits objectifs fixes. Problème réglé avec l’arrivée d’un compact à focale fixe, discrétion assurée.

J’ai même poussé le vice jusqu’à continuer à déclencher à main levée pour des cadres plus posés. Là encore, la bestiole s’en tire plutôt pas mal. Partir léger, ça permet aussi d’enjamber quelques barrières et de me retrouver à des endroits où je suis pas spécialement sensée poser le pied, genre là…


Ou là.


Les flics tournent quand même en voiture. Entre deux applatissages totalement incontrôlés, je réussis quand même à triper à travers l’objectif, et à me dire qu’il faut vraiment que je chope quelques contacts pour faire un peu d’explo tant que je suis en ville. L’explo en groupe me manque un peu, juste au moment où je regoûte joyeusement aux joies des promenades en solo. Ca fait partie des trucs que j’avais oubliés depuis un bon moment, et il semblerait que ce ne soit que le début.


Les flics tournent quand même en voiture. Entre deux applatissages totalement incontrôlés, je réussis quand même à triper à travers l’objectif, et à me dire qu’il faut vraiment que je chope quelques contacts pour faire un peu d’explo tant que je suis en ville. L’explo en groupe me manque un peu, juste au moment où je regoûte joyeusement aux joies des promenades en solo. Ca fait partie des trucs que j’avais oubliés depuis un bon moment, et il semblerait que ce ne soit que le début.

Le charme redécouvert de la vadrouille en solo, c’est aussi les rencontres improbables au coin de la rue. Devant une station de métro, un musicien fait un raffut pas possible avec sa guitare électrique et son ampli, il n’en fallait pas plus pour que je m’arrête l’écouter. Les musiciens de rue agissent comme des aimants sur moi et je pourrais rester dans les parages pendant des heures. Cette fois-ci, justement, j’avais pas envie de bouger, un peu de rock’n’roll ça fait pas de mal.


Ce gentil monsieur l’a très vite compris après deux minutes de blablabla, puisqu’il a tenu à me jouer plusieurs de ses compos, rien que pour moi. D’après lui, c’est plutôt des vieux qui s’arrêtent d’habitude, pour l’écouter jouer des standards des années 70 (comment ça j’écoute de la musique de vioques ?), mais les reprises ça le fait chier, alors il compose. Et c’est plutôt pas dégueu.


Après le calme du vieux port, traverser le quartier des spectacles encore bien peuplé pour un mardi soir à une heure avancée ne m’inspire plus. Trop d’humains en troupal, mais aucun danger imminent. C’est sûr, les rues de Montréal craignent bien moins que celles de Paris ! Je range l’appareil photo et rentre gentiment me coucher, en planifiant mes futures balades en solo dans d’autres quartiers.

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