Montréal by night.

Ca faisait un paquet d’années que je n’étais pas partie en promenade nocturne dans le seul but de prendre des photos inutiles, voire de ne pas en prendre du tout. Par paquet d’années, il faut comprendre mon arrivée à Paris. La grande ville, quand on déboule de la campagne profonde, ça fascine; toutes ces lumières, ces couleurs, cette vie grouillante qui donne l’impression de ne jamais se reposer, tout était nouveau pour moi. 

J’ai traîné mes basques de nombreuses nuits dans des quartiers aussi différents que bigarés à Paris: la Défense (avec ses bandes de cailleras qui déboulent en troupeaux dès la nuit tombée), Belleville et Ménilmontant qui ne dorment jamais, les alentours des gares avec leurs défilés incessants de taxis et leurs enseignes visuelles qui se reflètent à qui veut les voir dans les flaques d’eau… Et puis, je me suis lassée. Paris n’était plus un terrain de jeu et de découvertes pour mon appareil photo, mais ma résidence principale. Les rues encombrées ne m’amusaient plus du tout quand elles me servaient juste à aller d’un point A à un point B, les immensités vides et glacées des constructions architecturales anonymes ne m’inspiraient plus du tout pour composer quelque chose d’intéressant. J’ai laissé tomber les promenades nocturnes photo, beaucoup trop vite à mon goût, pour les transformer en trajets utilitaires, point A/point B, la plupart du temps complètement bourrée à partir d’une certaine heure, avec pour seul objectif de rejoindre mon plumard vivante sans perdre la moitié de mes affaires en route.

Et, hier soir, sur un coup de flemme des colocs, je prends le sac photo et pars en balade sans but précis. Ce qui ne m’était pas arrivé depuis des années m’a alors titillée; déclencher au gré de la non-inspiration, sans but précis, sans obligation de rendu, sans deadline ni brief. Putain que j’étais rouillée !


Je dois avouer que la ville n’est pas forcément le terrain où je suis le plus à l’aise en photographie. Le portrait, c’est une autre paire de manches, mais ça te contrôle plutôt bien un sujet. Ici, rien. Un échange de coups d’oeil, de sourire, quelques petites feintes pour rassurer sa « proie », et surtout, une bonne dose de rapidité et de discrétion. Chose totalement inimaginable avec mon énorme Nikon, qui est bien gentiment resté au fond du sac (comme d’hab).


Déclencher à main levée, au 1/30 voire au 1/15, n’a visiblement posé aucun problème à mon p’tit compact. J’ai même étonnée de la propreté de son rendu à 1600 iso, en dehors de sa gestion catastrophique du flare, et ce malgré son petit pare-soleil. D’accord, j’arrête de cracher sur les compacts à partir de maintenant. Rendons à Julien et Jean Louis, mes anciens collègues de boulot, ce qui leur appartient: ce sont eux qui m’ont convertie à Fuji, après mon premier passage à Montréal cet hiver et un rentrage bredouille au niveau des photos de rue. Le Nikon était, cette fois aussi, resté au fin fond du sac, et utilisé seulement pour filmer en intérieur. Je me suis rendu compte, avec le temps, que cet outil de travail imposant n’est absolument pas adapté au « reportage » aléatoire en pleine rue. Massif, bruyant et estampillé « connasse de pro qui vous paparazzite le portrait », il impressionne et attire les regards noirs des passants, malgré ses tous petits objectifs fixes. Problème réglé avec l’arrivée d’un compact à focale fixe, discrétion assurée.

J’ai même poussé le vice jusqu’à continuer à déclencher à main levée pour des cadres plus posés. Là encore, la bestiole s’en tire plutôt pas mal. Partir léger, ça permet aussi d’enjamber quelques barrières et de me retrouver à des endroits où je suis pas spécialement sensée poser le pied, genre là…


Ou là.


Les flics tournent quand même en voiture. Entre deux applatissages totalement incontrôlés, je réussis quand même à triper à travers l’objectif, et à me dire qu’il faut vraiment que je chope quelques contacts pour faire un peu d’explo tant que je suis en ville. L’explo en groupe me manque un peu, juste au moment où je regoûte joyeusement aux joies des promenades en solo. Ca fait partie des trucs que j’avais oubliés depuis un bon moment, et il semblerait que ce ne soit que le début.


Les flics tournent quand même en voiture. Entre deux applatissages totalement incontrôlés, je réussis quand même à triper à travers l’objectif, et à me dire qu’il faut vraiment que je chope quelques contacts pour faire un peu d’explo tant que je suis en ville. L’explo en groupe me manque un peu, juste au moment où je regoûte joyeusement aux joies des promenades en solo. Ca fait partie des trucs que j’avais oubliés depuis un bon moment, et il semblerait que ce ne soit que le début.

Le charme redécouvert de la vadrouille en solo, c’est aussi les rencontres improbables au coin de la rue. Devant une station de métro, un musicien fait un raffut pas possible avec sa guitare électrique et son ampli, il n’en fallait pas plus pour que je m’arrête l’écouter. Les musiciens de rue agissent comme des aimants sur moi et je pourrais rester dans les parages pendant des heures. Cette fois-ci, justement, j’avais pas envie de bouger, un peu de rock’n’roll ça fait pas de mal.


Ce gentil monsieur l’a très vite compris après deux minutes de blablabla, puisqu’il a tenu à me jouer plusieurs de ses compos, rien que pour moi. D’après lui, c’est plutôt des vieux qui s’arrêtent d’habitude, pour l’écouter jouer des standards des années 70 (comment ça j’écoute de la musique de vioques ?), mais les reprises ça le fait chier, alors il compose. Et c’est plutôt pas dégueu.


Après le calme du vieux port, traverser le quartier des spectacles encore bien peuplé pour un mardi soir à une heure avancée ne m’inspire plus. Trop d’humains en troupal, mais aucun danger imminent. C’est sûr, les rues de Montréal craignent bien moins que celles de Paris ! Je range l’appareil photo et rentre gentiment me coucher, en planifiant mes futures balades en solo dans d’autres quartiers.

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