Premiers jours à Montréal.

Si mon arrivée à Montréal s’est faite sous une pluie aussi brève que battante, le soleil a vite refait surface. Voilà pour la minute météo. Wait a minute… Chaud ? A Montréal ? Je dois avouer que l’heure de bus entre l’aéroport et le centre ville a du être un spectacle assez marrant pour les autres passagers: imaginez une Boulette fraîchement débarquée qui ne décolle pas son pif de la vitre, en enchaînant les « Mais c’est QUOI ces trucs verts ? Des arbres partout ? SERIEUX ? ». 

Replaçons les choses dans leur contexte. J’ai foulé le sol québécois pour la première fois cet hiver en février, pour deux (trop) courtes semaines de visite sous la neige et dans le froid. Un petit -17°C le jour de mon arrivée, accompagné d’un blizzard, avait tout de suite remis les pendules à l’heure: ici, en hiver, il fait froid. Et bien comme il faut. Les rues, toits et parcs sont recouverts d’une épaisse couche de neige, conduire est un vrai challenge, se déplacer à pieds est une aventure drôle à court terme mais certainement bien plus usante sur une saison entière, et une simple pause clope sur le balcon demande une préparation logistique digne d’une expédition polaire. La preuve en photos ?

Redécouvrir Montréal sous une forme totalement différente ( = sans neige et avec une trentaine de degrés de plus) a été un plaisir non dissimulé. Une ville typiquement nord-américaine mais très verte, aérée de plusieurs grands parcs, et à l’activité extérieure foisonnante. Après plusieurs mois cloitré à l’intérieur, il est toutafé compréhensible que le Montréalais n’ait qu’une envie; passer ses journées dehors. Pour satisfaire son besoin de grand air urbain, de nombreux festivals, foires, concerts et animations en tous genres sont organisés tout l’été (qui dure pas longtemps, faut en profiter).


Et qui c’est qui prend le courant à l’envers, pour changer ? Le Caribou Volant ! Fraîchement débarqués en terre québécoise quelques jours avant moi, les joyeux copains ont joué dans un bar. Et ouais. Dans un dedans de quatre murs. Ils ont peur de rien. Mais c’est pas grave, on y était bien dans ce petit bar, même qu’il sentait bon la fin de soirée dehors, et annonçait très bien la suite des hostilités musicales dès le lendemain.


Revenons-en au dehors, voulez-vous ? Il fait chaud. Très (putain de – pardonnez-moi la velléité du présent grossiérisme) chaud. Alors quand t’as chaud, tu fais quoi ? Tu vas pas rester en jeans et en Harrington non plus ? Fous toi à poil, mets une culotte de rechange (la princesse est propre, on vous l’a déjà dit) dans ton sac photo (ça cale les objectifs entre eux, on ne rigole pas) et va squatter chez des charmants québecois rencontrés en route qui t’ont très gentiment invitée pour le week end à l’autre bout de la ville. Et le lendemain, quand il fait 15° de moins, serre les dents pour rentrer te remettre une petite laine en ruminant ta honte; la théorie de l’oignon, même en plein été, au Québec point tu n’oublieras. Ceci valide définitivement l’exportation de mes capacités boulettiennes, ne vous inquiétez pas, elles sont intactes.

On digresse, on digresse ! Ce dimanche, donc, après un rhabillage bienvenu, me revoilà dehors. En ville, c’est un défilé incessant d’humanoïdes vélocipédiques; aujourd’hui, c’est le tour de l’île en vélo, grand rassemblement annuel de pédaleurs ! 50 km de rues barrées offrent aux Montréalais le plaisir de pédaler tous ensemble, au départ du Mont Royal pour une grande boucle en passant par Lachine.


Si je vous parle du Mont Royal, c’est parce que je suis partie y découvrir une autre tradition dominicale, le rassemblement de djembés (et des bédaveurs en tous genres). Une activité artistique de plein air, saine pour les poumons et les oreilles !


Pour prolonger la balade, les copinous et moi-même nous sommes dirigés vers la grande foire de plein air de l’avenue du Mont Royal, où Ninon a pu faire la découverte d’un fabricant d’ukulélés fantaisistes à partir de bidons et boîtes en métal. On le voit pas sur la photo, mais sur le deuxième pilier se cache une pièce unique dont le corps est une théière, fallait y penser, et le pire c’est que ça sonne !


On dirait bien qu’il fait bon vivre en été à Montréal. Mais faut pas le crier trop fort, ça risque de rameuter trop de Parigots.


C’est parti !

Wouhou ! Après quelques jours très remplis à Paris, à base de copains, copines, bouffe, boire, et dernières emplettes utiles, me voilà partie direction le Canada avec ma maison sur le dos, presque 20 kilos de bonheur à bretelles qui ont été délicatement posés dès l’arrivée de leur sherpa dans l’une de ses nombreuses résidences secondaires. Le tout a, bien entendu, dû être dépacké/repacké en deux minutes chrono à l’aéroport (Adriana, you lost your bet, this f*cking cabin bag was too heavy).  

La-dite maison d’adoption temporaire se trouve à Montréal, et autant vous dire qu’elle est joyeusement peuplée de quatre colocs tous aussi sympas les uns que les autres (d’ailleurs je viens d’entendre « bière ? », décidément ici on sait recevoir). Ce sera mon camp de base pour les deux prochaines semaines, le temps de mettre à exécution les premiers chapitres de mon (énième) plan machiavélique de conquête du monde. Je n’suis pas folle vous savez, malgré le décalage horaire qui commence à se faire sentir: il est 20h à Montréal, ma cervelle de poule est encore calée sur l’heure de Paris, soit 2h du mat’. On est encore dans le delta des possibles de mes horaires habituels. D’ici quelques heures, y’en a une qui fera moins la maline.

Bientôt, promis, des photos, du racontage, mais là je peux pas… J’ai bière. D’ailleurs on a plus besoin de la doudoune pour aller en chercher au coin de la rue, jugez plutôt… (ouais c’est flou, je sais, j’étais en plein sautillage de contentitude)



On est large

Faire rentrer toutes ses possessions matérielles dans une camionnette, c’est bien. Poser tout ça dans un désordre savamment calculé pour être obligée d’ouvrir la quasi-totalité des cartons et en sortir un ou deux trucs à chaque fois, c’est mieux. Laisser mariner le bazar ambiant pendant deux semaines, tenter de se rappeler où est quoi, éparpiller négligemment divers machins et bidules dans toute la maison parentale sous les hurlements, vociférations et pétages de pile matriarcale, c’est tip top moumoute. Mais c’est pas grave… 

On est large.

J’avais prévu plein de trucs pour ces deux semaines. Par exemple, torcher en montage un court qui attend qu’on s’occupe de lui depuis un an et demi, ranger un peu mes disques de boulot sur l’ordi qui reste chez mes parents, réapprendre une nouvelle setlist de busking/campfire (composée de 27 morceaux choisis pendant mon temps de travail, non j’ai pas honte), aller courir, voir des gens pas vus depuis longtemps, bouffer bien et bio et local… Chouette programme, non ?

Allez, je vais pas vous mentir, j’ai pas touché à la moitié des trucs prévus. Les gens qui me connaissent bien savent que je souffre (en silence et de manière totalement assumée) de ce qu’on appelle la procrastination. Plus qu’une porte de sortie facile, la procrastination, pour moi, c’est un vrai style de vie. Pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut remettre à demain ? Keep cool bro, reprends une bière, les trucs chiants on verra plus tard, parce que de toutes façons…

On est large.

Ne croyez pas non plus que je n’ai rien foutu. J’ai passé une bonne heure à accrocher des tirages sur des cimaises dans la salle d’expo locale, tenté de faire en sorte que tout ce petit monde soit droit, parié sur la myopie des petits vieux du coin quant à la non-dite droititude avérée, et sur la bourritude avérée des plus jeune lors du vernissage. Au final, c’était pas droit, et tout le monde s’en foutait. J’ai aussi serré des pattes, papoté avec des plein de gens, compté les « Ooooooh mais la dernière fois que je t’ai vue, t’étais petite comme ça ! », tenté de choper un verre de vin au citron, re-papoté avec des gens dont je n’avais absolument aucune idée de l’identité mais qui semblaient parfaitement savoir qui j’étais, et passé un coup de balai salvateur en fin de soirée. Vous n’avez pas suivi ? J’ai exposé des photos dans le bled de mes parents, et pour la deuxième fois en deux ans, ça se confirme; c’est ici que mes expos marchent au mieux. J’me demande bien pourquoi je me suis em*erdée à essayer de faire mon trou à Paris, tiens !


Bon, après ça, je suis pas restée tranquiloute à la maison à boire du pastis, contrairement à ce que vous pourriez penser. J’ai honoré mon statut de photographe indépendante et, très gentiment invitée par l’école primaire de mon village natal, je me retrouve devant une classe de CP, à parler photo. La maîtresse, vraiment cool, c’est la même depuis que j’y suis passée il y a 20 ans. Et déjà, à l’époque, elle était vraiment cool. Comme quoi, la coolitude ne se perd pas en route. La mission ? Parler photo aux gamins, qui sont sur un projet artistique semblable au mien. Le résultat ? Du déballage de sac photo qui ressemble à un sac à magie, et du rigolus. Beaucoup de rigolus. Et un amoureux (le petit Dom Juan en t-shirt bleu est promis à un grand avenir de bourreau des cœurs, il s’est entraîné sur moi, sa tactique est quasiment au point).


Ceci dit, on est rendu à la veille du départ, et rien n’est prêt. A ma royale disposition, voici un petit sac de 28 litres, et un moyen sac de 37 litres. Ne hurlez pas à l’hérésie, ça ne servira à rien. Pendant des années, j’ai voyagé avec 70 « faux » litres sur le dos. Ce que ça m’a apporté ? Beaucoup de séances chez l’ostéo (pas gratuites), une honte monumentale par rapport aux copines qui packent sans effort 50 litres gros maximum, et le sentiment que oui, ma cocotte, tu embarques trop d’affaires.

Est-il nécessaire de vous rappeler qu’on emmène toujours beaucoup plus que ce dont on a besoin ? Certaines personnes s’en foutent. D’autres, charriant leur vie entière sur leur dos, finissent par apprendre de leurs erreurs passées, et adaptent leur chargement.

Premier commandement de la demoiselle nomade: tes affaires, tu rouleras. Et proprement, je te prie. Voici, ci-dessous, le roulement de six t-shirts.


Vous voyez, ça ne prend pas énormément de place, et surtout ça suffit très largement pour votre survie. La lessive à la main, c’est pas pour les chiens, nondidju !

Secondement: quand vous le pouvez, vos fringues vous compacterez. Pour ceci, pas de solution miracle, à part les sacs de compression. C’est tellement évident qu’on y pense même pas. Français, françaises, allez tout de suite au Vieux Campeur le plus proche de chez vous. Chers amis parigots, vous êtes assis sur une mine d’or, profitez-en. Les autres, arrangez-vous, tout est jouable. Et prenez des sacs de compression ! Les miens sont de simples sacs de compression Sea to Summit pour sacs de couchage, option waterproof, j’en ai trois de tailles différentes: XS, S, et M. Avec ça, vous êtes plus que larges pour n’importe quel trip en sac à dos.

Le principe est simple, roulez vos fringues (en serrant un peu, méthode internat) et fourrez les là-dedans, puis tirez sur les sangles autant que vous pouvez. Une fois par jour, aérez le bazar pour éviter les plis disgracieux et les hurlements de votre duvet (il vous remerciera). Voilà. Votre nouvelle vie compactée vous libère au moins dix litres dans votre sac à dos. Ci-dessous, mon plus gros sac de compression, taille M, rempli de toutes mes fringues pour un milieu tempéré, non compressé. Contenance: pas grand chose. Aucune échelle ne sera fournie, débrouillez-vous.


Les plus perspicaces d’entre vous auront reconnu mon slider vidéo. Le premier qui fera un commentaire disgracieux quant à l’emmenage du-dit slider sera bien aimable de garder ses méchancetés pour lui, ou de venir porter mon sac. En poussant un peu, ça rentre, et arrêtez de rigoler, vous allez voir les plans de ouf que je vais vous ramener grâce à cette merveille (qui aura besoin de sa bouteille de graisse multi-fonctions, j’en conviens).

Bien entendu, j’ai triché, puisque mon duvet, mon tapis de sol et mon oreiller m’attendent à Montréal, et que je suis sensée récupérer un ordi portable à Paris avant de partir. Et aussi racheter un trépied une fois arrivée au Canada. Parce que même si j’ai vendu les deux tiers de mon matos, je ne peux pas concevoir raisonnablement de voyager sans trépier. Sinon ce blog ne s’appellerait pas A trois pieds, et vous ne seriez pas en train de lire mes conneries.

N’empêche que quand même, tout est rentré, et pour une fois, ça pèse pas trois ânes morts.


On parie que j’ai encore oublié plein de trucs ? C’est pas si grave, parce qu’au fond…

On est large.

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