(…) Nous sommes bien pires que ça.

Je savais pas trop à quoi m’attendre en déboulant au CeSa un dimanche après midi. Une désertion générale vers le campement du Kamouraska pour l’Appel de l’Est ? Une gueule de bois collective tenace du party de la veille ? Les « gens du CeSa », j’en avais rencontrés quelques-uns à Cap au Renard lors du festival DeHors. Engagés, remontés, motivés et énergiques. Leur projet de « communauté estivale qui se relance tous les ans », pour faire simple comme je l’avais compris, m’avait plu. Direction St Louis dans la Baie des Chaleurs, non loin de Carleton, pacifiquement armée de mon appareil photo et de mon micro pour voir ce qu’il en est. 

L’accueil est super chaleureux. Effectivement, ça court dans tous les sens. Les gens arrivent et repartent constamment. Contrairement à Cap au Renard qui est un lieu de vie, ici c’est un lieu de passage, et ça se sent dans l’énergie one-shot développée par chacun. Une dizaine de nouveaux projets se lancent chaque seconde, et aussitôt quelqu’un se lève, va chercher des outils et se lance là-dedans. Pareil pour la cuisine. On mange de tout, principalement les légumes du jardin, les poissons pêchés le jour même ou le résultat du dumpster diving, plutôt efficace dans les parages. Tout le monde cuisine, tout le monde fait la vaisselle. Les expériences sont de mise. 23h, mardi soir: « Hey ! On a des marguerites séchées, si on les mout pour faire de la farine, on a qu’à faire des crêpes avec ça ! ». Dosage ? On s’en calisse. Apport de gluten pour que ça se tienne ? On s’en crisse encore plus. Je regarde les zozos s’activer d’un air curieux. Le résultat est passablement mangeable mais tout le monde se marre. Un pain avec la même farine s’en est suivi. Résultat encore moins concluant. On se marre de plus belle. Le « laboratoire » à idées fonctionne à merveille.

A peu près à la même heure, derrière la tente-cuisine, un alambic bricolé à partir de pas grand chose se met en place. Objectif: fabriquer de l’huile essentielle de sapin. Pour le coup, ça a marché.

Dans la famille autonomie, pour pallier le prix prohibitif de l’alcool au Québec, certains se sont aussi lancés dans le brassage de bière… En fermentation spontanée avec des levures naturelles. Je me marre. Ce genre de processus nécessite un contrôle hygiénique totalement impossible à mettre en place ici. Cette batch en cours de transfert est infectée, mais avec le taux d’anticorps de compétition que tout le monde s’est fait ici depuis le début de l’été, qui s’en soucie ?

Au CeSa, pas d’eau potable, encore moins d’eau courante. On va remplir les bidons d’eau potable au tuyau d’arrosage chez la voisine, ou on s’arrange pour puiser de l’eau pas potable (comprendre: puante) dans un puits pas très profond, grâce à un système extrêmement astucieux dont je ne vous montre qu’un tout petit bout en réparation, faudra être patient jusqu’au diaporama sonore pour avoir les explications complètes.

Dans tout ce joyeux bordel, on n’oublie jamais de faire la fête, même sans alcool. La dynamique de groupe est à balle. Un peu trop pour moi. J’ai trouvé mes limites. Si certains semblent être tombés dans la marmite de café quand ils étaient petits, je suis encore en « descente » de mes trois semaines en communauté à Cap au Renard, et ma cervelle de poule tire la sonnette d’alarme: j’ai besoin d’un peu d’isolement, parce que là, je fonctionne sur la réserve. Et ma réserve, elle est difficilement compatible avec un besoin constant d’être à balle à la manière du CeSa.

En guise d’isolement, je m’échappe une journée pour filer un coup de main sur un chantier du Germoir, le projet-père du CeSa, un peu plus haut sur la montagne. Les gens d’en haut vivent dans une maison collective à cinq, à l’année. L’ambiance est bien plus reposante qu’en bas. Béton, creusage, cueillette de framboises et de champignons, promenade, baignade au lac, pour finir sur un enregistrement sonore avec Dominique, qui participe au Germoir et au CeSa depuis plusieurs années.

Le lendemain, il est temps de reprendre la route après seulement quatre jours à St Louis. Je n’arrive pas à rentrer dans l’ambiance générale ultra-énergique et comme je n’ai pas d’autre « projet » à développer sur place que mon reportage photo, d’ailleurs à peu près terminé, je quitte le campement après des au revoirs rapides à toute la gang fort sympathique. Je repasserai quand l’énergie sera au beau fixe !

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