Vergogne et squat sont dans un bateau…

… Et Boulette arrive à son point de chute du soir à Matane, la première micro-brasserie gaspésienne de sa liste: la Fabrique. Choix conséquent à la pression, je cale un peu et opte finalement pour une petite dégustation de 6 galopins (oh ça va hein, on va dire que ce soir c’est la teuf, je me le permets). La serveuse, ultra sympa, m’autorise à « laisser mon auto sur le stationnement derrière la brasserie cette nuit ». J’ai pas précisé qu’elle serait habitée. A mon avis, ça posera pas de souci. Ca n’en a effectivement posé aucun, même quand j’ai fait des pâtes à minuit, à l’arrière du van, passablement éméchée (non maman je ne passe pas mon temps à picoler, tu me connais voyons !). Pour rincer tout ça, un p’tit dèj sur la plage s’est imposé le lendemain. 

Partie en recherche de wifi avant l’ouverture de la brasserie, je tombe sur un cycliste bien équipé en sacoches étanches qui pianote sur son téléphone; bingo, un spot de wifi gratuit devant une boulangerie artisanale, sans mot de passe ! On discute un peu et il m’apprend qu’il roule en direction de l’est pour boucler un tour de la Gaspésie en vélo en un mois. Ca n’a pas loupé, quelques heures plus tard, je le dépasse en klaxonnant joyeusement.

Sur la route peu avant Cap Chat, une drôle de forme au loin attire mon oeil. Mes freins sont tellement pourris que je mets au moins 200 mètres avant de réussir à m’arrêter pour faire demi tour et aller voir ce curieux engin… une éolienne verticale !

A peine arrivée sur le parking, un guide se jette sur moi pour me proposer un tour payant de la bestiole. Guts-day or no-guts-day ? Guts-day today.

- J’suis désolée monsieur, je passais juste par curiosité. Vous savez, je suis photographe et je fais un reportage au Canada sur… euh… les énergies renouvelables ! Pensez donc, j’avais envie de voir à quoi ça ressemblait de près votre éolienne, mais bon, j’ai pas de financement, alors les visites payantes…

- Bougez pas, j’appelle la directrice.

Qui aurait cru que la-dite directrice, une dame passionnée par son boulot, me fasse visiter l’éolienne verticale à l’oeil et m’autorise à filmer, photographier et enregistrer du son ? J’en revenais pas, mais j’ai pas moufté. Pro jusqu’au bout (je vous entends rire au fond, c’est pas sympa). La visite se terminant, elle me propose d’aller « voir les p’tits jeunes à la cabane là-bas, ils vont vous donner un harnais pour vous faire monter aux échelons, vous pourrez prendre des belles photos depuis là haut ». C’est trop tentant, j’y vais. Quand c’est offert, c’est encore plus sympa.

110 mètres d’échelons plus haut, j’ai plus de bras, plus de poumons, mon sac a cogné tous les paliers mais j’ai pu photographier toutes les pièces mécaniques importantes de la bestiole. Et la vue est loin d’être dégueulasse. Pour en savoir plus sur cette éolienne expérimentale qui malheureusement ne tourne plus, faute de renouvellement de contrat: http://www.eolecapchat.com/

Notez que je tente de m’améliorer en selfies. C’est toujours pas gagné.

Une fois redescendue et après avoir chaleureusement remercié la directrice du site pour son accueil, mon estomac me rappelle qu’il est plus que l’heure d’être rempli. Il est bientôt 18h et j’ai rien mangé depuis ce matin. Premier coin au bord de la mer arrêtable, et hop c’est parti ! Je retombe, par le grand hasard du voyage, sur le cycliste rencontré ce matin à Matane. Lui non plus n’a rien mangé depuis ce matin, on improvise une bouffe rapido avec ce que je trouve dans le van, on ouvre des bières, et voilà qu’on papote un bon moment, de tout, de rien, des voyages, de la vie quoi. Vincent, de son petit nom, est un étudiant belge, parti de Montréal un peu avant moi, avec plus ou moins le même itinéraire. Lui pédale pendant que je me vautre dans le siège confortable de l’Astro. Même pas honte. Un portrait s’impose après la rencontre sympathique.

Il pense s’arrêter avant Sainte Anne pour planter la tente sur la plage, et moi je veux continuer la route des micro-brasseries. Je vois sur son plan que celle de Sainte Anne est fermée aujourd’hui, tant pis. Chacun repart à sa vitesse, et évidemment, le temps que je trouve la bonne clé pour démarrer le van (on ne rigole pas au fond, c’est ma misère quotidienne de le démarrer ce con), il me colle un bon kilomètre avant que je le double pour la deuxième fois de la journée.

Arrivée à Sainte Anne, je cherche un coin où parquer la bête pour la nuit… Et tombe, comme attirée par un aimant, sur le Malbord, la brasserie causée un peu plus haut. Ouverte. Avec un parking désert. La suite, vous la devinez aisément; bien sûr que je peux parquer mon auto ici cette nuit, que ça gêne pas, et tu veux boire quoi ? La brasserie est toute jeune; ouverte depuis quelques mois, ça sent encore les travaux frais. L’ambiance est vraiment sympa, la bière maison est un peu légère à mon goût mais j’ai besoin de dérusher et de m’hydrater le gosier après une bonne journée d’improvisation totale. Glandouille prévue, surprises à tous les coins de rue.

Deux p’tits jeunes débarquent avec leurs sacs à dos chargés à bloc, ils viennent en pouce de Montréal. Je leur emprunte un portable pour essayer de joindre Vincent et le rapatrier ici, ça marche pas. On continue la soirée en jasant d’activisme, d’indépendantisme et de projets autogérés au Québec.

Ecroulage en règle dans le van, et me voilà repartie le lendemain en direction de Cap au Renard. Cette fois-ci, je bouge plus pendant au moins dix jours, et vous saurez (peut-être) bientôt pourquoi.

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