Les gens inspirants; Mél et Jordan.

Laissez moi faire une petite parenthèse à l’épisode CeSa et vous raconter une petite histoire, dont deux personnes fantastiques sont les protagonistes. 

Mélanie et Jordan, ce sont les deux premières personnes que j’ai rencontrées en arrivant au CeSa. Plus calmes que les autres, le contact et la discussion se font facilement. Ils vivent tous les deux dans un vieux bus stationné à l’entrée du CeSa pour l’été, en attendant de repartir vers des horizons plus cléments cet hiver.

Ils travaillent actuellement sur le chantier de leur future maison, en contrebas du site du CeSa, et sont sur le point d’y retourner pour creuser pendant quelques heures. Je propose un coup de main, et en deux minutes nous voilà embarqués dans leur vieille Mercedes, qui brave admirablement les nids de poules et autres saloperies roulatoires du rang 2. On bifurque rapidement dans un chemin de terre, au beau milieu d’une coupe à blanc. La vue sur la baie des Chaleurs est magnifique. Je les suis à travers la forêt sur une quarantaine de mètres jusqu’à leur chantier, sac de matos photo sur le dos.

Le chantier de Jordan et Mélanie en est à ses débuts, le trait carré est tiré au poil de cul. Ils s’affairent sur les fondations, qu’ils veulent monter en pneus remplis de gravelle (gravier pour les franchouillards durs de la feuille en traduction). Les hivers québécois sont rudes et le sol gèle jusqu’à 1 mètre de profondeur; en remplissant les pneus de gravelle sur plus d’un mètre, l’eau s’écoule vers une profondeur plus importante où elle ne gèlera pas, et empêche ainsi les fondations de bouger, ce qui entraînerait indubitablement un mouvement sur les piliers et donc sur la maison. Rappelons qu’ici, l’astuce pour construire une maison, c’est la surélever; pilotis, piliers, toute astuce est bonne pour contourner un permis ultra relou et long à obtenir. Le Québec et la France bénéficient des mêmes emmerdes au niveau de la régularisation des constructions.

Jordan m’explique précisément leur façon de travailler et leur background. Montréalais d’origine, ces deux jeunes gens se sont rencontrés au CeSa en 2012 et font route commune depuis là. Jordan travaillait dans la rénovation, puis a appris différentes techniques de construction traditionnelles et écologiques. Il construit maintenant des tentes de prospecteurs en toile et participe à différents chantiers. Tous deux ont beaucoup voyagé. Leur expérience, à à peine 25 ans, m’épate. Mélanie et moi avons le même âge, Jordan doit être à peine plus vieux. Leur parcours me laisse sur le cul et la comparaison est facile mais tranchante; voici des gens qui se sont bougés pour arriver à leur fin. Qu’ai-je fait, pendant ce temps là ? Pas grand chose.

Je les aide à creuser les trous destinés à recevoir les pneus pour les fondations, il faut les élargir. On travaille avec des outils traditionnels, à l’ancienne; pelle et barre à mine. Ca me rappelle les catas ! Ils ont choisi cette façon de construire pour minimiser leur impact écologique et leur utilisation de l’argent. Ils préfèrent passer du temps à travailler sur le chantier avec des outils traditionnels plutôt qu’à travailler ailleurs pour payer de l’essence à mettre dans la tronçonneuse, la bétonnière ou la débroussailleuse. Ca se comprend aisément. Jordan me dit en rigolant: « L’avantage de travailler sans machine électrique, c’est qu’on peut discuter sur le chantier ! ». Effectivement, ça va bon train, on avance à notre vitesse pépère mais en jasant joyeusement.

Après deux heures de creusage et de jaseries, nous repartons en direction du CeSa, et profitons d’être en voiture pour remplir quelques bidons d’eau potable au tuyau d’arrosage de Tina, qui habite une maison au coin du rang.

Le surlendemain, Mélanie et Jordan ont reçu plusieurs de troncs de sapin pour leur maison. Mélanie court après le camion qui ne s’est pas arrêté au croisement du chemin menant au CeSa, je la suis de loin jusqu’au bout du rang et la trouve à écorcer les-dits troncs avec Jordan. Heureusement, j’ai embarqué un outil, et nous voilà de nouveau tous les trois à travailler en rigolant et en écoutant de la musique. Bien évidemment, je n’ai pas la même dextérité ni la même vitesse qu’eux, et le sapin ça colle; j’essaye de ne pas trop en tartiner sur le Nikon en prenant quelques photos.

L’après-midi se termine par une cueillette de framboises sauvages le long du chemin du retour. Bouffer des fruits direct sur les buissons, un plaisir incomparable, impossible de s’arrêter ! Je profite des derniers rayons de soleil pour prendre quelques clichés. On tombe sur des crottes d’ours. Mélanie et Jordan rigolent; ils n’en ont jamais vus par ici en été, seraient-ils timides ?

L’orage nous rattrape assez rapidement après une journée bien ensoleillée, Mélanie et Jordan pédalent fort sur leurs vélos, et je cours mollement en sortant mon k-way. Il pleut à grosses gouttes mais je m’en calisse les foufounes, la journée a été pleine de découvertes et d’ouvertures. Voir des gens de mon âge, avec des expériences réunissant l’équivalent de plusieurs vies, m’impressionne et me donne envie d’entreprendre aussi. Plus tard. Après la promenade. Tout est possible. Il suffit de s’y mettre. Un énorme merci à Mélanie et Jordan pour leur accueil super chaleureux, et bon courage pour la suite du chantier !

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