Back on the road en solo.

Des articles sur la facilité à voyager seul, du blablabla sur le vas-y-lance-toi-c’est-trop-koul, il y en a des dizaines. De quoi réussir à convaincre le voyageur le plus timide, voire le plus coincé, de partir à la découverte du monde sans sa bande de potes. Pour continuer à sauter les barrières à moutons, je vous offre le contrepied quotidien qui vous fait tant grincer des dents (mais vous y revenez, avouez): voyager seul, c’est difficile. 

En projetant il y a déjà plus d’un an de partir seule, j’avoue avoir eu quelques questions qui m’ont poppé dans la tête; et si je me fais chier ? Et si je m’auto-insupporte ? Et si j’ai un coup de cafard ? Et si… ? Il m’a suffi de quelques heures pour envoyer balader tout ça. Quand on voyage seul, on n’est jamais seul. Sauf si on le cherche vraiment, mais alors vraiment vraiment vraiment beaucoup.

Après trois semaines de vie en communauté, j’avais un besoin pressant de continuer ma route seule, au moins pour quelques jours entre deux projets photos qui m’amèneraient de toutes façons à interagir avec des humains. J’aime bien les gens. Pas tous. Il y a à peu près 90% de l’humanité qui m’insupporte. Fort heureusement, je croise un faible sous-pourcentage de ce-dit pourcentage général sur ma route. Il est majoritairement constitué de touristes et surtout, vous l’aurez deviné, de touristes français. Je ne sais pas trop d’où vient cette aversion pour le touriste français à l’étranger. Enfin si, je sais très bien; il râle. Il se plaint. Il fait du bruit. Il est irrespectueux. Il se moque. Il souffle, geint, engueule ses chiards, laisse traîner ses déchets et se plaint que c’est crade. Il s’arrange pour laisser une idée stéréotypée de lui, qui n’aide guère ses congénères qui passeront après. Vous n’aimez pas les généralités, vous non plus ? Je vais m’arrêter là pour le déversement très franchouillard de bile à moitié justifiée, et continuer sur une note bien plus gaie.

Je disais donc, voyager seul, c’est pas facile, et c’est plutôt dans le terme « seul » qu’on trouve la difficulté. Parce qu’on y arrive pas. Parce qu’importe où on s’arrête, les connexions se font. Vous me connaissez, dans mes bons jours j’ai du mal à rester dans mon coin en tirant la gueule. Dans les moins bons, je vais me terrer dans ma grotte cinq minutes en me disant qu’au final, une compagnie extérieure serait bien plus sympa que la mienne à ce moment là. Niveau ermite, on a vu bien mieux. Alors même quand j’essaye de rester seule, j’y arrive pas. Même à une soirée où je me pointe toute seule, je retombe sur des gens déjà croisés. Le temps de les saluer, que l’appel des photos sonne… Un lâcher de lanternes en plein festival du vol libre à Mont Saint Pierre au coucher du soleil, c’est beau, point barre.

Parfois quand je suis toute seule, je fais des trucs complètement cons en ricanant bêtement, genre prendre des photos en conduisant. Les enfants, ne reproduisez pas ce geste dangereux à la maison, vous risqueriez de vous foutre au tas.

Accessoirement, et à défaut d’être une amatrice de selfies, j’ai décrété que mes pieds seraient de meilleurs modèles que ma gueule. Surtout quand l’arrière plan est sympa. Après une bonne ascension au parc du Forillon, s’écrouler dans l’herbe et taper une petite sieste, tranquille pépère en plein soleil, c’est kiffant.

J’aime bien les cailloux aussi. Surtout en tas. Ca occasionne toujours des contorsions assez crétines à ras du sol pour leur tirer le portrait sous leur meilleur profil, et je ne veux pas savoir qui se fout de ma gueule à ce moment là ou s’amuse à m’immortaliser dans ce genre de position là.

Randonner toute seule, c’est bien. Surtout quand on a un rythme de merde dû aux kilotonnes de clopes fumées depuis une dizaine d’années. Si vous pensez que votre promenade jusqu’à un sommet se mérite, pensez à la mienne; c’est bien fait pour ma gueule, vous me direz, mais la satisfaction est toujours énorme. Les mollets de compétition ? Boah, ça va, même s’ils ont pris l’habitude aux plats catacombiens. Ils tiennent le coup, mais 15km pas plus, après ça devient de la gourmandise. Les poumons en question ? J’en sème des petits bouts un peu partout. Chacun marque son territoire comme il peut.

Ah ça vous étonne des photos en couleur, heing (et le retour des taches sur le capteur, c’est cadeau) ? Aujourd’hui, j’avais pas envie de faire de conversion noir et blanc. Et puis le bout du monde à l’Est, au parc de Forillon, ça mérite quelques beaux verts. A 5000 km (ou plus, j’ai pas sorti le mètre) de cette pointe là, c’est la France. Ca fait bizarre d’y penser. Juste une demi-seconde avant que ma cervelle de poule survitaminée ne reparte en mode furie. C’est ça aussi de voyager seule, on se perd plus facilement dans ses pensées. Reste à apprendre comment les ralentir. Mais ça, on verra un autre soir, sur une autre plage, autour d’un autre feu.

Hier soir, autour du feu de la photo précédente après une incruste typiquement boulettienne avec une grande famille bien sympa, je me suis retrouvée à discuter de jeux vidéos avec des pré-ados, qui n’ont eu aucune gêne à me dire que « Wow ! Le dernier jeu auquel t’as joué, j’étais pas né quand il est sorti… ». Et puis aussi « A ton époque, y’avait cette console avec trois branches sur sa manette ? Je l’ai vue au musée du jeu vidéo. ». On dirait bien que la Nintendo 64 a pris un sérieux coup de vieux. Moi ? Bah non, toujours pas. Dans deux semaines, je rajeunis une fois de plus d’un an, comme tous les ans. Et ça, ça fait plaisir.

Mine de rien, en racontant des conneries, j’ai réussi à caser quelques photos de ces derniers jours en solo. Enfin, en solo, j’aurais bien aimé, mais j’ai pas réussi. On dirait bien que je suis condamnée à côtoyer des humains. Recharger les batteries ? Je sais même plus si j’ai besoin de m’enfermer dans ma grotte pour le faire. Il n’est jamais trop tard pour apprendre malgré soi à changer de fonctionnement.

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