Grévistes estivaux.

La descente vers l’ouest va se faire lentement. Très lentement. On dirait que je quitte la Gaspésie en traînant des pieds. Ca me manquerait-tu déjà de perdre un litre de sueur à chaque épingle à cheveu en descente, à essayer d’empêcher mon gros monstre roulant d’une tonne cinq de finir dans le décor sans lui faire flamber les plaquettes de frein ? Le Bas Saint Laurent, où je roule maintenant depuis le Bic, c’est beau. Mais c’est plat. Je m’arrête quand même à Trois Pistoles, à l’Auberge de la Grève. 

Quelque chose à voir avec une grève moins plagesque et plus manifestante ? Oh que oui. Le lieu, anciennement abandonné et racheté ce printemps par une association pour une bouchée de pain, est rempli de jeunes (et de moins jeunes) gens tous issus de près ou de loin du milieu militant. Certains n’hésitent pas à me le rappeler dès que je sors l’appareil photo: « pas d’photo d’ma face ! ». Ambiance plus remontée qu’au CeSa, je m’étais d’ailleurs étonnée de ne pas y entendre plus parler d’énergies fossiles et autre patriarcat rampant. Si le brassage de gens est constant et bigarré, la plupart sont ici en vacances ou au moins de passage pour quelques jours.

A peine arrivée et après avoir déposé dans le frigo communautaire une grosse batch de légumes offerte par Marie Hélène à Sage Terre le matin même, on m’invite à suivre une grosse partie de la troupe présente en direction « des chutes ». Aujourd’hui il fait chaud, beaucoup trop d’ailleurs, 32°C c’est abusé pour mon métabolisme de reptilien qui n’avait plus l’habitude de températures aussi extrêmes (on ne rigole pas au fond !), mais y’a baignade au programme, alors on enfourche un vélo et on suit les joyeux drilles vers un coin magnifique. Vous vous débrouillez pour le trouver, c’est par là ! Seb, tu l’as dans ta collection de cascades celle là ?

La chaleur a assomé tout le monde. On glande mollement jusqu’au soir, et la baignade se prolonge dans l’estuaire du St Laurent, sous les piles du viaduc pour les moins frileux.

Le lieu m’inspire, bien que j’aie rendez-vous le lendemain à une heure de route d’ici pour deux semaines de woofing. J’aimerais réussir à faire un reportage one-shot conséquent, mais vue la réticence (compréhensible) de certains à faire comme si de rien n’était quand un appareil photo est sorti, c’est pas gagné pour ce soir. Je décide de ranger la bestiole et d’en profiter un peu, direction la cuisine pour filer un coup de main pour le repas. Puis la vaisselle (étonnant heing ?). Un peu de lecture militante plus tard grâce à la bibliothèque bien fournie, je sors profiter de l’orage qui conclut enfin une journée bien lourde et bien moite.

Le lendemain, je crisse le camp après le petit dèj, avec un ressenti mitigé cochon d’Inde sur l’expérience; si le lieu a effectivement un énorme potentiel et que les résidents à l’année se sont visiblement investis à fond pour partir des projets à l’intérieur, on dirait bien que la dynamique passagère n’est pas la même. Difficile de juger ça après seulement une demi journée sur les lieux, mais après m’être habituée à des collectivités de résidents, c’est tough de laisser du crédit à un fonctionnement plus passager, qui correspond moins avec mon rythme de croisière habituel. Néanmoins, ce projet unique au Québec a un mérite énorme, celui d’exister dans un coin ou la culture du squat est totalement absente des esprits, et où tout doit se faire dans les règles de l’art… En passant par la banque. Nul doute que l’auberge, encore en cours de rodage, trouvera sa vitesse de croisière dans les prochaines années. C’est en tous cas ce que je souhaite à cette gang motivée et à tous les visiteurs qui pourront contribuer à son développement !

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